P2/ #12 : Ad Vitam Interim

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AD VITAM INTERIM

Je n'ai pas le temps de saboter la moindre de mes entreprises que ma main a déjà secoué la souris pour sortir l'ordi de sa veille... et je me retrouve là où j'en étais... le curseur clignotant à l'arrêt... in media res... rendu au ghetto des merveilles... cette vaste trame, sur laquelle épingler toutes mes trouvailles... et séquencer mes psychodrames... Il n'y a plus d'inspiration, ni d'ambition, de motivation, encore moins de liberté ou de choix qui vaillent... Je continue tout bonnement ma mission, à l'instar des nobles mandailles !

Je me redresse vaguement contre le mur, sur mon matelas à mémoire de forme en guise de radeau de Proust, pour surfer sous les Bermudes de l'espace-temps... non pas pour faire la sieste ! ni pour me mettre en quête d'un Graal rétroactif, mais bien pour ne rien perdre de mon élan... littéralement physique... plus que jamais vital, oui... Ru, Rivière ou Fleuve, comme on s'écoule, chacun fait son lit !

La chambre est baignée d'une rouge pénombre qui n'est pas sans me rappeler l'ambiance d'un vieux laboratoire photo... plus loin encore, grondement d'avion de ligne aidant, je me remémore mon chaleureux séjour in utero... Mes jambes torsadées de sirène demeurent toutes les deux parcourues du souvenir de leur marche tout-terraine quasiment continue... en rituel d'une vague gainsbourienne... irrésolue... La noyée : l'île nue... Me voilà revenu, fils prodigue, riche d'un manque à creuser sans modération... Conque vide échouée sur la digue... Par ici le lot de consolation !

Je ne rentre pas vraiment bredouille de mon escapade. Miraculeusement : mon bloc-notes est plein à craquer de datas digitales, équivalentes aux rushs encore chaudes d'un éreintant tournage, lesquelles il me faut encore importer soigneusement sur le banc de montage... Si tant est que je réussisse à décrypter mon propre message et dégager la quintessence des cristaux instantanés saisis en chemin : autant de raccourcis et d'ancrages censés me ramener là où tout se joue – Champollion, un coup de main !


Vite ! Un mot, ensuite : j'te quitte sur le champ... Tentative Exit – si t'es partant... Verser soigneusement le contenu de ma mémoire morte dans la vive et mettre le tout en branle... Attends ! Je ne sais jamais quelle forme les données vont prendre à l'encodage... C'est le printemps !

 Voilà qu'en écho s'invitent d'autres mots militants sans limites... à l'abordage ! tant et s'y bien que je m'y précipite... voilà que je m'engage dans l'engrenage... pour la nation svp, du Langage... je ne l'dis plus j'y vais/ je fuite – fût-ce à la nage...

Je continue au présent de l'indicatif – comme si de rien n’était : car en effet, nous y sommes, de retour sur le vif... l'expérience nécessitant l'émulation d'un verbe-sujet... de préférence hyperactif... et je me fais à la fois pantin/ à la fois marionnettiste, à la fois médecin/ à la fois légiste, mi-clavecin/ mi-pianiste, ni mathématicien/ ni autiste, un drôle d'algébriste qui n'entrave pas les nombres... et ne jonglerait qu'avec des inconnues dans des coins de runes sombres...

Une fois que vous aurez fini de broyer du noir, faites chauffer le mélange explosif obtenu à feu doux pendant 2 siècles...

Ceci n'est pas le manifeste sinon manifeste du mandaïsme. TU VEUX DEVENIR ÉCRIVAIN ? Sois d'abord écrivant ! Un rien de culturisme ! Invoque toutes les disciplines de ton vivant : le collage et la plasticine m'aideront à faire quelque chose qui se tienne, j'imagine... J'incube un futur levant... S'ensuivent maints copier-coller pratiqués à cœur-ouvert; la vermine opère tandis que je prends racine; l'artisan se signe/ s'inscrit/ s'imprime là dans l'argile qu'il pétrit... mutatis mutandis... Jusqu'à ce qu'enfin s'esquisse le profil de mon puzzle inductif... que le golem s'anime... de ma seule griffe... Un mot, ensuite s'amorce la culture de cellules souches verbales spécifiques à leurs tissus respectifs. Je vois des glyphes en relief, agglutinés en paragraphes/ fourmis de feu en formation-radeau par dessus l'abîme. Poème égale programme... J'arme mes rimes et je rame, altérant le rythme par saccades – appelez-moi Pac-man : Roi des arcades. Si la souris est syllabe, alors la syllabe avalera mes salades. J'veux des spirales cannibales et du code en cascade. Et tout se décompose, et tout se recompose, en vertu d'un certain désordre des choses – écho des chorales subatomiques...

Je veux faire de ma life une symphonie statistique ! Je pique au roman sa progression concentrique et mon banal quotidien prend des allures de trip épique. à l'instar des quatorze stations d'extases d'un christique comic strip, les tableaux animés s'enchaînent; omniscient je me promène; je ne compte plus les prises tant je tamise chaque scène. Laver les scories restantes à l'eau tri-distillée et laisser reposer l'Elixir de Vie avant toute absorption... Aussi de fil en aiguille s'instille l'implicite partition, prétexte ultime à toute exécution. Ma Sagrada ! Ma Notre-Dame ! Mon Taj Mahal à Toi ! Que n'édifierait-on pas de nouveau pour caser chaque mot-clé à sa juste place ? Mi casa su casa. Quand ça sonne, c'est qu'ça passe...

Ô multi-tête de lecture... Je t'embrasse... Je reprends l'histoire de l'écriture quand elle n'était au départ qu'un feuilleton d'amour et d'aventure... Un opéra pop qui repasse en boucle... à la limite de la torture... C'est à se demander quand est-ce que je me lasse ? Tel un gosse et son toboggan... à peine rendu, je remonte jusqu'au début de ce document... pour dévaler la piste en slalom... Je me relis à voix basse posée sur basique BPM... au fur et à mesure que mon flow s'échafaude à son optimum... pour finir par couler de source... au gré de l'exécutant...

En douce, la musique nous révolutionne... Finalement, je comprends que tout ceci ne dépend plus que de notre seule Volonté ! C'est sur-puissant ! Ici, le passé le présent et l'avenir se laissent manipuler à loisir sur le même plan...

En vérité, personne ne m'y a jamais poussé, écrire – entendez : bricoler – c'est tout ce que j'ai trouvé comme viable corps à corps avec cette abstraite et parfaitement absurde adversité ! J'ai peut-être tort, de persister ainsi dans mon mensonge éonté... en travaillant à ce que ce que mon sort se laisse plus aisément monter... Or si je veux imiter le Vent et restituer son mouvement, je vais devoir tricher encor... En mémoire de postérité ! Le Temps retrouvé est un Temps mort ! Moi je veux qu'il se perde à son propre jeu, je veux le piéger dans une boucle for – Kronos versus Zeus ! Qu'Ouroboros se dévore ! L'écrit souffre où il veut...

Après le bain d'arrêt, broyer le rubis obtenu dans le mortier d'agate et c'est prêt ! Faites un vœu et soufflez ! Tout le monde au buffet !

*

moralité : « Carpe Diem ! » – mon cul ! J'veux dire par là qu'il s'agit d'un slogan éculé, énucléé de sa propre vertu – navré Horace, pour la mauvaise publicité ! N'y vois nul ad hominem – mais fallait pas commencer ! Cueillir le jour ou l'arroser ? Ça m'embarrasse ! La vérité, vous l'aurez capté, c'est que je ne suis pas crédule quant au dit moment-présent – quelle supercherie, habile philosophie à deux balles pour flambeurs inconséquents. Vivre chaque jour comme si c'était le dernier n'a rien de décisif ! S'il s'agissait plutôt de revivre encore et encore cette même putain de journée like a rolling stone de Sisyphe ? Réfléchissez-y.... Avec if, on mettrait Paris en canette, mieux, en cornet d'frites – la dernière rime est gratuite...

J'y arrive, j'y arrive – à l'instant... Je ne le dis plus, je te quitte... en chantant... Je prends la fuite et trace à vol d'oiseau... tel un funambule bras ballant... de pylône en pylône... JE m'oriente... de l'aube à l'aurore... JE m'éclipse et me dore... de toute éternité... Vite ! sans me préoccuper du tic-tac... ni des heures... ni des mois... ni des années... Enfin, j'ai jusqu'à demain mon Cœur – profite !

Bientôt l'été !

Ad vitam interim,

S.M.


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