P1/#8 : Remontada

REMONTADA

ACTION ! Vous aviez raison, c'est moi qui suis bel et bien trop con : il faut juste que j'aille « prendre l'air » au lieu de « tourner en rond » – je sais je sais, j'connais la chanson... Mon corps a déjà rejoint les rangs, à défaut de motivation s'abandonne au courant, s'entrechoquant tout le long du sanglant corridor avec d'autres corps en branle – direction escalator... J'hallucine... ou chacun semble réellement savoir où il se destine, une fois dehors ? C'est alors que nous nous séparerons, après avoir emprunté ces mêmes lignes. Encore un effort – J'y vais, j'y vais... d'accord... je ne sais où... mais j'y vais...

Vous n'avez pas tort : il faut « faire ce qu'on aime » – au pire, faire l'expérience de l'Échec par moi-même relèverait déjà de l'exploit ! Comme dirait Beckett : rate mieux (la prochaine fois) ! Sur ce, disons qu'je pars en freelance. C'est ma dernière chance. Mieux vaut s'attarder dans l'adolescence que de devenir adulte prématurément, vous ne pensez pas ? – enfin c'est ce que j'me dis, pour avoir bonne conscience... on verra bien l'heure du trépas...

« Ne sois pas triste ! La poésie aussi peut être positiviste ! TU VEUX DEVENIR JOURNALISTE ? Participe à la Recherche et rapporte-nous les faits – histoire de faire passer le Message. Livre-nous ton vécu avant qu'il ne soit perdu à jamais, c'est ce qu'il y a de plus sage... »

Soit ! Je me livre, je me rends et m'en vais annoncer la bonne nouvelle : le poëte est mort – vive la poésie ! enfin réelle... dégagée de nos exactions... en avance pour nous donner le ton... énormité devenue norme, absorbée par tous. Je vois des agents dormants, factotums, modulateurs de progrès – Socrate me souffle en verlan : « Je ne sais pas que je sais » ! Le Bonheur n'est pas une fatalité non et ma vie serait par trop absente sans force et sans beauté... Pouah ! Tu as raison, l'espoir, c'est encore attendre... Par la stache-mou de Nietzsche ! Je ne veux plus rien... d'autre que mon destin ! Chameau à la niche !

Changer de programme, voilà le programme – il n'est jamais trop tard. On oublie le mélodrame. J'vous présente mon nouvel avatar. Le poëte maudit n'a plus besoin de porter son propre deuil... pour accoucher d'une star...

Personne ne se sentait le courage de donner le coup de grâce – alors je me suis tiré... au hasard. Et c'est bien parce que cela me rend triste, quelque part, que je serai heureux comme jamais, comme personne... Mais il faut d'abord que je me réincarne... Ça, c'est l'enfance de l'art... Sonne le glas sonne...

Cette fois-ci c'est la bonne, cette fois-ci ça y est ! Il ne faut pas que j'abandonne avant d'avoir gagné le sommet. Je m'essaie à la positive attitude, quitte à paraître concon, pour prendre de l'altitude – mais attention : jouer au Candide, c'est du sérieux ! Pas de triche ! Il ne faudrait pas que j'oublie d'être amoureux... Vais-je demeurer sobre ? – Ha ! Chiche ! – autant que faire se peut; juste pour être sûr que je ne rêve toujours pas... pour deux. À moins que ce ne soit précisément ce manque qui mériterait d'être davantage creusé ? À quoi bon combler le vide de solide ou de liquide bien vite consumés ? Je ne suis jamais avide que d'aimer et d'être aimé.

La fièvre passée, je ne tremble plus désormais, sinon d'impatience... Mon corps recouvre peu à peu son essence vitale; tout entier galvanisé par le drive de créer, de provoquer la chance et répondre aux stimuli jusqu'ici dissimulés; les membres irrigués d'une sève neuve – mon cœur s'emballe... Je ne vais pas tout faire péter, n'ayez rien à craindre ! C'est l'inverse, je veux tout étreindre, tout embrasser ! Encore un Icare de rompu aux nuées – salut Beauté ! Où t'es-tu cachée ? Nous n'avons pas officiellement pris rendez-vous puisque tu ne me reconnais pas encore, mais tu vas bien finir par me débusquer...

Grr. L'envie furieuse d'aller flâner me prend, histoire de me repérer sur ma carte mentale, en bon touriste résident... Tout me ramène à la rue, là d'où je viens, si la rue est le lit du vent, déversoir de mon flow sans frein, cauchemar sans fin de mon élan... Je m'en vais me shooter à l'air libre. Je frémis déjà, en sentant la tiède brise du dehors, venue rafraîchir mon corps en sueur, tant et si bien que son enveloppe reprenne contact aux limites du monde extérieur... Lever le voile – « Oui, je le veux ! ». Et j'avance solennel vers ton sacré cœur, tel un abbé délaissant Dxxx Plus chaleureux que moi, tu meurs... Vieux...

*

Escalator : je mets le pied sur un tapis roulant pour me rendre en surface, quand les marches se segmentent entre mes jambes de dahu – « Veuillez-vous tenir à la main courante ». /flash/ l’autre main se met au salut. Roulement de tambour, mes yeux viennent de franchir la ligne de jour... Je traverse une cascade de lumière blanche aveuglante... Là-haut, sur un LA 440, les sections s'accordent, l'atmosphérique orchestre s'impatiente, les attentions débordent – Maestro ! tout le monde vous attend...

J'étais sourd, à présent j'entends : la rumeur humaine essaimer ses médiums en plein air; au piétinement s'ajoute le vrombissement des cuivres et le frémissement des bois sous le fer; les sub bass des bus ont dressé leur nappe de fond ponctuée de pics dans les décibels : freins qui crissent, essieux qui piaillent et staccato de klaxons; l'ultrason seul du nourrisson tenant tête au cartel en guise de violon; le leitmotiv lancinant des sirènes qui surviennent puis s'éteignent ça et là – quel carrousel ! Harmonique acouphène quand le spectre vole en éclat... Décelez-vous ces fragrances de pollen mêlées aux particules fines de diesel ?

C'est le Printemps bordel !

C'est tout pour moi !  


P.S.: Si tu m'as lu jusqu'ici, bravo et merci. Tu peux m'envoyer un message pour me confirmer ton existence providentielle - ça me ferait plaisir. Si tu veux la suite, elle existe : il suffit de demander. La meilleure manière de me soutenir reste toujours de s'abonner/ liker/ partager/ de me suivre sur les réseaux/ etc. #TMTC. Ceci n'est rien d'autre qu'une bouteille à la mer.

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