P1/#3 : Silence Radio

SILENCE-RADIO

Cher destinataire instantané... C'est vrai, pourquoi me contenter d'écrire à l'attention d'une hypothétique postérité, dès lors que tu es à ma portée ? – « Écrire pour soi » – quelle vanité ! On écrit toujours à quelqu'un... quelqu'un qui n'est pas là... celui ou celle qui tôt ou tard se reconnaîtra... comme toi... bien entendu... Mais, si Je est un autre – dis-moi, dans ce cas : qui est-Tu ?

Ce qui a changé, c'est le silence... il est sournoisement devenu : synonyme de ton absence. Désolé, voilà que je recommence... à me répandre en romance... en me posant d'insolvables questions de réciprocité. En tous cas, ça m'travaille, je n'peux le nier. Tu as entrouvert le portail... et j'hésite à... ne pas te réclamer la clé...

Tu veux devenir poëte ?

Demande à ta muse !

Sérieusement ? tu crois que ça l'amuse ? Solitude n'est qu'un mot mais je me suis fait à sa présence, étrangement impersonnelle, à l'étude si sangsuelle. Notre ménage était bien parti pour durer... jusqu'à ce que l'Amour nous sépare, on dirait... Devrais-je dire Désir ? (Il est également possible que je confonde Solitude avec sa jumelle Liberté – dans le doute, demandez au Métèque, il s'y connaît). Si ça tombe, c'est moi ta muse; et dans tes carnets secrets tu abuses, en me faisant royalement passer pour un bouffon ! Tu as trop d'amour-propre pour être une Galatée, moi pas assez... pour jouer au Pygmalion... Quoique ça pourrait me tenter... non pas te sculpter et risquer d'attenter à ta beauté, mais capter ta lumière – tu veux savoir ce qui me rend fier ? Ce matin, (si lointain), quand tu as ouvert les yeux, dès que tu m'as vu, tu as souri... Face à ce somptueux spirato, j'me suis dit waw... et pendant une seconde j'me prenais pour De Vinci...

Pause : je ne reconnais plus ma prose – Qu'est-ce qui nous arrive ? – On s'croirait dans un soap à l'eau de rose... Attention récidive ! Alors que d'ordinaire c'est à peine si l'on ose y croire et prononcer le mot espoir... suffit pour t'entendre dire : « Pouah! ». Regarde-nous à présent, on dirait deux petites midinettes... en train de singer des amants, se désarmant trop vite... Sommes-nous ensemble pour autant ? Dois-je encore me sentir seul ou... seulement entretenir le mythe ?

>: Grrr. J'ai envie de t'écrire mais j'me r'tiens. Ce s'rait d'la triche. Je n'veux pas tomber dans le cliché du mec qui met des plombes à composer ses textos. Cela relève d'une délicate rhétorique – c'est d'la nitro ! Chaque envoi est une mise en péril... Et c'mec qui s'languit d'une bonne réponse et perçoit les silences-radios à l'image de mauvaises ondes – celui-là est d'autant plus débile... Je ne voudrais pas t'envahir, ni tout investir dans un placement stérile... Après tout, c'est not' rancard que j'expecte – sinon dis-moi qu'est-que j'irai foutre en ville ? Rien ne va plus... Je t'introjecte... à mort le capitalisme des affects! 

Faut pas que j'en dise de trop... Faut que je t'en laisse... Ne préférerais-tu pas que je t'écrive des chansons ? De toutes les formes de la poésie, c'est encore celle qui s'en sort le mieux, non ? Orphée remporte le trophée – aux zicos la victoire ! Avant de s'faire lyre, on peut toujours aller s'faire voir !

*

            Intermezzo cantabile – ça vous chante ? : le temps que mes pensées décantent, mon âme se défile, quittant l'attente... pour s'en aller valser selon les sons... Mon corps lui, fait le guet, demeurant à l’affût de la moindre de tes vibrations...


Voici donc l'échographie d'une chanson :


Tant que nous sommes nus,

sans reprendre les armes,

quand sonnera l'alarme

au moment venu

Viens ! Disparaissons!

            Je me souviens de nos ébats récents dans les limbes de l'aube, à moitié conscients, avant que tu ne te dérobes de bonne heure – était-ce un rêve évanescent ? Réel bonheur ? Et s'il était là, le vrai moment-présent, l'alchimique athanor ? Quand nos egos s’entre-dévorent et se transforment... et nos corps s'étreignent pour ne plus devenir qu'un seul et même corps... Serrons-nous plus fort, jusqu'à ce que la créature soit terrassée et s'endorme... Pourquoi est-ce que je ne me sens jamais aussi vivant que dans ce divin temps mort ?

Tant que nous sommes aux anges

l'un dans l'autre perdu

tant que cela perdure,

comme rien ne nous dérange

Trans-paraissons !


Si ça ne tenait qu'à moi, j'y replongerais sur le champ – tu sais. Mais quand ? Et derechef je me surprends sur le fait, en train d'ébaucher un message que je ne t'enverrai jamais – je t'[texte manquant.]


Avant que je ne m'enlève

de notre enlacement

encor un moment...

éternellement...

La vie est brève :

Paressons !


(enregistrer comme brouillon)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire