P1/#6: Au Suivant

AU SUIVANT

J'auditionne pour mon propre rôle, sinon acteur de l'Histoire au moins figurant... Mais avant le portique de contrôle... j'hésite à faire demi-tour... Si seulement... je me souvenais où j'allais ? d'où je venais ? Au suivant !

Je sais la Flèche du temps décochée... sans trajectoire toute course est insensée. J'me sens coincé... comme un spectre anachronique au destin tragique : crucifié à l'instant T de toute dialectique, le cul entre deux chaises électriques, le crâne foisonnant d'étincelles synaptiques...

Je me sens tiraillé, entre ceux qui partent et ceux qui restent, semblable au Docteur Rieux dans la Peste. J'me sens pris en tenaille, entre les sirènes du turfu et les sonars du passé qui m'assaillent. J'hésite à rejoindre au front les têtes brûlées... mais ne peux me résoudre à laisser pour morts mes mentors, ni larguer les p'tites mémés à la traîne. ça s'fait pas... Le jeunisme, ça m'gêne...

Qui veut monter la garde devant le temple désaffecté ? Qui veut se greffer le foie de Prométhée... à l'heure où son frérot fait l'unanimité ? Sachant l'âge d'or des Lettres dans mon dos – c'est vite compté : « pas mieux ! ». C'est à se demander si le poëte n'y est pas réellement resté. Alors il était sérieux ?! – Vous me direz : à quoi bon demeurer visionnaire... sans avenir ? C'est aussi rétrospectivement con qu'un témoin sans souvenir... À croire que les avant-gardes soient devenues ringardes; même le mot ringard se ringardise – c'est la crise... Et pourtant par poésie j'entends toujours le chant humain, le code-source de notre sauvegarde – j'a-j'actualise !

Ais-je précisé que j'étais ado dans les années charnières ? Années nonante ou quatre-vingt-dix, comme mes frangins français disent : décennie du grand compte à rebours... pour rien. Chaînon manqué du nouveau millénaire, issu d'une génération manquante située entre x ou y. J'ai même eu le privilège de snober une rare éclipse solaire et de mater l'effondrement de deux tours en direct...

Il faut être absolument moderne – absolument ? L'avons-nous seulement été tout dernièrement ? Baliverne. Est-ce que je dois perpétuer la Tradition de rompre avec la Tradition de rompre avec la Tradition ? Est-on toujours progressiste en voulant conserver son mouvement ? Est-ce que je ne me poserais pas trop d'questions ? Absolument. – Cesse donc de penser à cesser de penser ! Quel con ! Sois spontané bon sang ! Vas-y viens ! Surprends-moi ! Désobéis-moi sur le champ ! Je m'sens bombardé d'injonctions paradoxales – rien d'étonnant à ce que je bug au final, à ce que je me sample, me paraphrase et me back, à la limite d'un effet larsen cérébral... La fonction f me renvoie toujours au point de sortie – alert (signal).

J'étais aveugle, à présent je vois double : je vois des forces qui s'annulent, des contraires qui s'assemblent, des fractions équivalentes, des puissances exponentielles : le mouvement pour le mouvement/ le changement pour le changement/ pour les siècles des siècles... Ah merde...

Changer la vie ? Ce n'est plus un secret. Ce qu'il en restera, ça... personne ne le sait... Ma mission ? C'est p't'êt' toujours pareil à c'que Camus disait : non plus refaire le monde, mais veiller à... c'qu'il ne se défasse pas ! Enfin, quelque chose comme ça. J'me mets pas la pression, en tous cas...

Allez !

C'est maintenant ou jamais !

Attends !

C'est maintenant ? ou jamais ?


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